Pourquoi l’inflation fait-elle la sourde oreille?

Carte blanche - Bernard Keppenne, Chief Economist CBC Banque

L’inflation est depuis belle lurette identifiée comme la pierre angulaire du fonctionnement de nos économies. Capricieuse et difficile à réguler, nous lui collons alors régulièrement certains préfixes, un temps en souhaitant qu’elle se fasse discrète, l’autre en la voulant au meilleur de sa forme, comme en ce moment avec une question simple ; pourquoi ne monte-t-elle pas plus ?

Tant les États-Unis que la zone euro sont concernés par la situation avec au cœur du débat, l’attitude des banques centrales devant ce phénomène qui semble leur échapper.

Le baril a bon dos

Avec un retour de la croissance qui devrait en toute logique tirer les salaires vers le haut et donc les prix, la faiblesse de l’inflation étonne d’autant plus. De prime abord, le responsable tout désigné pourrait être le baril et ses baisses successives. Mais cette explication se veut trop simpliste dès lors que l’on observe l’inflation de base - hors alimentation, énergie, alcool et tabac, qui exclut donc l’effet du prix du baril - en constatant que la tendance est similaire. Pour la zone euro, l’inflation de base était de 0.8 % en 2014 et 2015, de 0.9 % en 2016 et de 1.2 % en chiffres annualisés au mois d’août 2017. Nous ne connaissons donc pas de réelle hausse de l’inflation alors que la croissance en zone euro devrait atteindre les 2 % cette année.

Les salaires à la traine

Avec un taux de chômage à 9.1 % et malgré le recul observé ces dernières années, le plein emploi est encore loin en zone euro. D’autant plus que ce taux ne reflète plus l’évolution réelle de l’état du marché de l’emploi. Car si l’on se base sur le taux d’emploi (rapport entre la population active et le nombre de personnes en âge de travailler de 20 à 64 ans), ce dernier a reculé dans la zone euro entre 2009 et 2013 et a retrouvé seulement en 2016 son niveau de 2007. Cela signifie que le marché de l’emploi a absorbé moins de main-d’œuvre entrainant une pression à la baisse sur les salaires.

De plus, les emplois sont souvent précaires et sans garantie d’engagement à durée indéterminée. La précarisation des emplois pèse alors sur les salaires qui n’ont absolument pas suivi la courbe rentrante du chômage. Selon les chiffres publiés par Eurostat pour la zone euro, le temps partiel qui représentait 17.88 % de l’emploi total au début 2015 se situait au premier trimestre 2017 à 21.42 %.

À l’exception de l’Allemagne, et encore, pas dans tous les secteurs, la hausse des salaires reste faible et n’entretient donc pas l’inflation. Nous sommes également privés d’un effet de second tour, à savoir une hausse des salaires qui viendrait compenser la hausse de l’inflation, alors même que celle-ci est modeste.

Une lourde concurrence sectorielle

Certains secteurs sont soumis à une très forte concurrence qui peut s’expliquer soit par l’effet de la directive européenne sur les travailleurs détachés, soit par une innovation qui entraine une réduction des prix. En effet, si l’on prend la peine de scinder les différentes composantes de l’inflation dans la zone euro, deux sous-indices ont tiré les prix vers le bas : le secteur des transports et celui des communications.

L’indice du secteur des transports retrouve ses niveaux de début 2015 après un creux de pratiquement 2 ans. Ce recul des prix dans ce secteur peut s’expliquer par la baisse du prix du baril, mais aussi par une concurrence accrue entre moyens de transport et par l’effet de la directive des travailleurs détachés. Cette dernière a en effet particulièrement touché ce secteur et tiré les salaires vers le bas, pesant donc sur les prix.

L’indice des communications, qui se situait à 115 en 2008, a dégringolé à 98 en juillet 2017, selon les chiffres d’Eurostat. La concurrence accrue dans ce secteur explique cette pression à la baisse permanente des prix et les tarifs. Et comme la part du poste communication n’a fait qu’augmenter dans le panier de la ménagère, cette baisse se répercute dans l’indice global de l’inflation.

Le revers de la digitalisation

Elle est sans doute la raison principale, et en même temps la moins quantifiable, tant elle touche tous les pans de l’économie. La digitalisation avec la multiplication des plateformes en ligne pour la distribution, l’immobilier, l’e-commerce, les produits pharmaceutiques, les services financiers, et j’en passe, tirent inéluctablement les prix à la baisse. Si dans un même temps, cette (r-)évolution crée des emplois, ceux-ci sont précaires et peu rémunérateurs comme nous l’avions mentionné précédemment. Cette concurrence accrue pèse donc sur les commerces traditionnels qui doivent alors diminuer leur prix pour ne pas perdre leurs clients ou, pire, disparaitre.

Une surcapacité mondiale

Avec le ralentissement de la croissance observée entre 2014 et 2017 dans les pays émergents comme le Brésil, la Chine ou la Russie, certains secteurs ont dû faire face à des surcapacités de production qui ont pesé sur les prix. Si l’on prend le cas de la Chine, les prix à la production ont évolué en territoire négatif entre 2012 et pratiquement jusque fin 2016.

La belle endormie

Nul doute donc que l’inflation a bien des excuses pour justifier sa faiblesse alors que la croissance est au rendez-vous. D’autant plus que nous pourrions encore évoquer le vieillissement de la population qui pèse sur la productivité et donc inéluctablement sur les prix. Sans oublier la faiblesse des taux, puisque contrairement à l’idée reçue, les encours des comptes d’épargne ont augmenté de façon inversement proportionnelle à la baisse des taux.

L’inflation tant désirée devrait dès lors continuer de progresser doucement. Pour ce faire, nous devrons alors miser sur une poursuite de l’amélioration du marché de l’emploi accompagnée d’un niveau élevé des utilisations des capacités industrielles qui devrait entrainer une hausse des salaires. Pour autant la faiblesse de l’inflation n’en demeure pas moins le signe du bouleversement que nos économies traversent actuellement. 

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Aurélie Coeckelbergh PRIDE
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