A y regarder de plus près, une lente remontée des taux sera plus douloureuse pour les entreprises zombies
Zoom d'expert - Michel Minet, Directeur du Département Corporate de CBC Banque
Mercredi 22 août 2018 — En janvier 2017, l’OCDE publiait une étude sur les entreprises « zombies », celles qui par définition sont en activité depuis plus de dix ans et rencontrent des problèmes persistants dans le paiement de leurs intérêts faute de générer suffisamment de résultats. Si leur nombre a fortement augmenté ces dernières années, soit 10% des entreprises belges, ce qui préoccupe également, c’est de les mettre en perspective avec le spectre de la remontée des taux d’intérêts. Même si cette dernière se fait attendre depuis de nombreux mois, personne ne l’oublie ni ne l’exclut. Or, à y regarder de plus près, pour ces entreprises maintenues artificiellement en vie, plus la remontée des taux sera lente, plus cette remontée risque de leur être douloureuse.
Dans son étude, l’OCDE montre que le phénomène des entreprises zombies s’est accentué avec la crise et qu’il a pesé sur la croissance de la productivité et sur le développement de l’activité dans certains secteurs. Pour donner une petite idée du phénomène, en Espagne, le nombre d’entreprises qui survivent artificiellement est passé de 3% à 10% du nombre total d’entreprises de 2007 à 2013, et en Italie de 2% à 6% selon l’OCDE. La BNB, dans son dernier rapport, a également fait ce constat en soulignant selon les données de la Centrale des bilans, que les zombies représentaient en 2014 quelques 10% des entreprises belges, 12% de l’emploi et 16% du stock de capital.
Le spectre d’une remontée de taux
Si ce phénomène s’est développé ces dernières années, c’est en grande partie à cause de la faiblesse des taux d’intérêts. Et la remontée des taux risque dès lors de fragiliser encore un peu plus ces sociétés provoquant des effets dévastateurs dans certains secteurs et affectant certains pays plus que d’autres.
De plus, la baisse des taux ayant entraîné un resserrement exagéré des différentiels de taux en fonction du risque, la hausse des taux va inéluctablement provoquer une remontée des taux pour les entreprises plus risquées. Ces dernières vont donc subir le double effet de la hausse des taux et de l’élargissement des spreads ce qui va encore aggraver leur situation financière déjà fragile.
Le risque d’un effet d’entraînement
En Belgique, c’est la confiance des consommateurs, le climat des affaires et bien sûr la croissance qui qui vont pâtir de cette situation. Notre pays va assister à une situation paradoxale où, dans un contexte de croissance, on pourrait assister à une augmentation des faillites des entreprises. Car la hausse des taux, conséquence de cette reprise économique, pourrait faire resurgir ces « morts-vivants » et les faire basculer définitivement vers l’au-delà. Il faut donc que les entreprises saines soient très attentives à la situation de leurs clients dans les prochaines années et à leur niveau d’endettement afin d’éviter un effet boule de neige.